Olympe de Gouges

bien serrées et remplies. Je reste à-peu-près vingt minutes ; & fatiguée de marche, de composition et de d’impression, je me propose d’aller prendre un bain dans le quartier du Temple, où j’allois dîner. J’arrive à onze heures moins un quart, à la pendule du bain ; je devois donc au cocher une heure & demie ; mais, pour ne pas avoir de dispute avec lui, je lui offre 48 sols : il exige plus, comme d’ordinaire ; il fait du bruit. Je m’obstine à ne vouloir plus lui donner que son dû, car l’être équitable aime mieux être généreux que dupe. Je le menace de la loi, il me dit qu’il s’en moque, & que je lui paierai deux heures. Nous arrivons chez un commissaire de paix, que j’ai la générosité de ne pas nommer, quoique l’acte d’autorité qu’il s’est permis envers moi, mérite une dénonciation formelle. Il ignorait sans doute que la femme qui réclamait sa justice étoit la femme auteur de tant de bienfaisance & d’équité. Sans avoir égard à mes raisons, il me condamne impitoyablement à payer au cocher ce qu’il me demandoit. Connoissant mieux la loi que lui, je lui dis, Monsieur, je m’y refuse, & je vous prie de faire attention que vous n’êtes pas dans le principe de votre charge. Alors, cet homme, ou, pour mieux dire, ce forcené s’emporte, me menace de la Force si je ne paye à l’instant, ou de rester toute la journée dans son bureau. Je lui demande de me faire conduire au tribunal de département ou à la mairie, ayant à me plaindre de son coup d’autorité. Le grave magistrat, en redingote poudreuse & dégoûtante comme sa conversation, m’a dit plaisamment : cette affaire ira sans doute à l’Assemblée Nationale ! Cela se pourroit bien, lui dis-je ; & je

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  • Page N°:23
  • Publication:
  • Author:Olympe de Gouges
  • Language:French
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